Entrer dans la voie chamanique (26-30 12 2024)
Fabrice Midal (27 12 2024). |
JOUR 1
1er axe de la transmission :
Miracle de la présence et de l'amour (de la santé originaire) que la pratique nous permet de retrouver.En faire l'expérience et avoir confiance - afin de faire face et de transformer ce qui se passe.
2nd axe de la transmission :
Dimension chamanique (développée au Tibet) qui vise à nous rendre notre pouvoir profond.
=> comment faire alliance avec le monde, le vivant, pour surmonter ce qui blesse notre élan vital. (= voie Kasung)
Très ample, puissant et concret : je fais face aux obstacles qui me privent de vie et je retrouve "mon pouvoir" !
Pourquoi ce séminaire maintenant ?
L'école arrive à maturité => liens créés entre Fabrice et son auditoire.
Les temps s'assombrissent, couplés avec une puissance technique sur le réel démultipliée. Alors que, paradoxalement, face aux actualités du monde, on se sent impuissants et démunis.
I ] Enseignements de Chögyam Trungpa :
Dimension chamanique implicite dans le Bouddhisme.
Le chemin du pratiquant est celui d'un guerrier, et pas d'un renonçant (cf. Christianisme => entrée dans les ordres).
cf. "Shambhala, la voie sacrée du guerrier" = livre de Trungpa sans arrière-plans de filiations historiques.
1/ Les chamans sont toujours des guerriers (cf. les Peaux-Rouges) = ceux qui affrontent ce qui menace, qui entrent dans le vif afin de le transformer ou de le libérer.
2/ La tradition Bön consiste à trouver des alliés spirituels : mise en lien avec l'ordre cosmique en invoquant les puissances invisibles afin de les intégrer ; nourrir la force de vie en nous.
3/ L'épopée de Gésar de Ling : combat spirituel contre les forces du mal.
Dans le monde grec : mal = l'Hubris (la démesure de l'égo).
Dans le monde tibétain : mal = un détournement de la bonté originaire ; une perversion ignorante, une trahison des origines => un manque de loyauté à ce qui donne consistance à notre propre dignité. Toujours, à nu, se tenir par autre chose que le petit moi-même.
4/ Le Cheval de Vent : comment se libérer du découragement => faire surgir sur le champ la splendeur, la vitalité, la joie, l'allant, la dignité, la noblesse d'âme. Remède au nihilisme.
5/ Le chemin, c'est entrer dans le monde sacré de la magie ordinaire. L'ordinaire n'est pas à rejeter pour chercher quelque chose qui serait "hors sol". Simplicité infinie, tjs neuve et vivante du monde courant.
II ] Qu'est-ce que le chamanisme ? L'art de trouver de la force.
1/ Les chamans sont les garants d'une sagesse holistique, intégrative => pas de séparation entre le mondain et le spirituel, le corps et l'esprit.
cf. problème ontologique de l'invention du psychologue / séparé de la problématique de la société, de la spiritualité, de l'âme et du corps.
2/ Les chamans s'intéressent aux problèmes que l'on rencontre. Le monde est imparfait, c'est un fait : comment y fait-on face ? - contrairement aux religions du Salut.
3/ Reconnaître et cultiver nos pouvoirs profonds - en se reliant au temps vivant : aux émotions fluctuantes, aux évènements situés. C'est par là que l'on obtient une sorte de puissance.
4/ Comment nourrir notre âme, en étant en rapport à l'entièreté du monde phénoménal = naturel et matériel.
La splendeur du décorum de RESO (≠ esthétique), c'est pour manifester la splendeur de notre âme. Elle est mystique et nourrit notre âme. Manière ritualisée d'entrer dans le monde.
5/ On sort de notre monde habituel => les frontières bien établies entre humain et non-humain disparaissent. Questionner l'évidence avec laquelle nous sommes enfermés dans notre propre culture => sortir du carcan de l'humanité.
Le chamanisme n'est pas un humanisme ; il est construit à partir de quelque chose de plus vaste, étranger, inquiétant, bienfaisant. On sort du dualisme visible tangible / invisible supérieur. Un moment de pure compassion est habité par le Divin, le Bodhisattva. Quelque chose s'ouvre, on se décentre... c'est un moment chamanique (≠ coté très initié de la transe ou des visions d'animaux spectaculaires).
≠ animisme - cf. culte au soleil, en tant que le soleil rend compte de la source indivisible du sacré.
6/ Sortir de l'opposition entre Bien et Mal => il peut y avoir des esprits favorables ou défavorables. Acceptation de l'ambivalence --> rapport intelligent au réel.
Les émotions ne sont ni bonnes, ni mauvaises. L'intérieur et l'extérieur sont inséparables.
Le christianisme a voulu démontrer que le chamanisme était diabolique ! Alors que, pour lui, "ça tourne".
III ] Définitions :
Le mot "chaman" (de Sibérie orientale = "celui qui sait" ou bien "le cerf qui remue son corps" ; puis, depuis les années 80, ouverture du mot au monde entier).Intercesseur entre l'homme et la nature / les esprits-guides ; voyant, conseiller, guérisseur - qui comprend les équilibres ; ni culte, ni dogme.
Vouloir soi-même devenir "chaman" ne fait pas sens ; c'est lié à un monde, un cadre spécifiques, une culture, une éthique, une métaphysique particulières. Nous mettre à l'écoute d'une sagesse chamanique. Etre chaman est autant une élection qu'une malédiction, qui engage envers la communauté et fait perdre son confort.
Les transes sont très différentes d'une culture à l'autre => il y a une grammaire onirique donnée / un contexte donné. On ne peut entrer en rapport avec des esprits si on ne vous les a pas introduits (cf. vision du jaguar en Amazonie).
Idem Ayahuasca - c'est un mythe. Ne pas singer les chamans. On ne peut être chaman hors cadre !
Attention à l'ésotérisme flou, de pacotille ! du genre "on choisit son incarnation"...
1/ Le chamanisme est un renversement du monde qui devient sujet. La nature devient une personne qui me parle. Le monde est intéressé par moi et me fait signe. Les informations et les souvenirs sont dans les choses extérieures. La pierre peut devenir parole.
La possession du chamanisme, c'est le monde qui parle au travers de nous-même.
2/ Redécouverte de l'âme - hors du cadre occidental qui l'oppose au corps. L'âme est le principe de vie qui nous anime, nous ouvre et nous maintient éveillé.
3/ Sortir du primat du cognitif. Il existe d'autres modalités de décision. On entre dans un imaginaire fondamental sacré. L'imaginaire est la parole de l'âme. On n'est pas enfermé en soi-même, mais en lien avec le plus vaste, qui ne cherche rien - dont les animaux.
IV ] Pratique de la reconnaissance de l'esprit originaire :
Rencontre du grand esprit originaire, non limité à notre personnalité ou nos émotions, potentiellement mesquines.
Ne pas avoir peur de ses visions, ni être fasciné par elles => travail de ré-harmonisation détendu, pacifique et critique.
- Se réduire (réduire sa pensée, son intelligence, sa connaissance, son contrôle, son identité, son identification) ; dissoudre la distance / la séparation entre soi et soi ; on n'est plus que son existence corporelle sur le coussin ; on repose dans l'esprit qui ne triche pas ;
- Sortir de soi-même - par l'écoute, par la respiration, par l'esprit : on s'oublie complètement ; pas besoin d'être là pour vérifier qu'on y est bien // transe ;
- Habiter son coeur comme le ciel impartial ; laisser arriver et accueillir tout ce qui vient nous visiter : joie, paix, peur, inquiétude, ennui, futilité ; accorder de l'attention à tout ce qui vient ; laisser tomber tout espoir ou toute peur de quelque chose ; ne rien faire... on ne peut rien ;
- Entrer dans la mémoire des ancêtres (de la Vie, de la Grande Nature) - un savoir profond, ancestral, non-conditionné, qui nous dépasse ; se reposer en elle ;
- Pratiquer les quatre ensemble...
JOUR 2 : Chögyam Trungpa
Héritage chamanique des enseignements de Ch. Trungpa => profondeur et fidélité au Bouddhisme tibétain hors du commun.
Sources différentes : Taoïsme alchimique, Bouddhisme tantrique, Chamanisme de l'Asie / influence de la Route de la Soie (Perse, Inde, Chine), ainsi que les épopées.
I ] Axe 1 = la tradition Bön :
Tradition chamanique extrêmement bien établie au Tibet avant l'arrivée du Bouddhisme.
Bön : Mode de vie ou Loi fondamentale => nom du pays, avant l'appellation Tibet.
1/ Description cosmologique = 9 dieux créateurs, pour se mettre en rapport à l'ordre cosmique.
Revenir ici à l'expérience phénoménologique à laquelle cela renvoie ≠ croyance.
Qu'est-ce qui serait "juste" de faire selon un certain ordre ? Se mettre en rapport à ce que les situations demandent. Quel visage de la situation à laquelle s'ajuster ? ≠ religion occidentale de la volonté.
Le chamanisme bön => comment j'apprends à lire une situation pour trouver place en elle.
C'est le TENDREL = coïncidence heureuse qui nous met en rapport à la loi cosmique. // NIDANAS = structure de cohérence du réel ; il existe une complexité d'enchaînements (karmiques) jusqu'à une situation donnée.
Bön = quels rites et pratiques pour m'accorder à ce mouvement de cohérence du monde qui fait sens et qui nourrit la vie en moi, et comment je ne passe pas à côté.
Exposé qui n'a rien d'ésotérique, de psychologique (en moi-même) ou de moral . Ici = manière dont je suis concrètement situé dans le monde. On a un pouvoir sur le monde parce qu'on en comprend la cohérence.
Les Böns parlent mythiquement, et non existentiellement (comme nous).
2/ Le LHA et le SOK :
Il y a un principe divin qui s'incarne dans les êtres = le LHA (voie descendante de l'esprit loyal en moi). La clarté, l'ouvert, la présence, la splendeur originaire.
+ le SOK qui est le principe de vie (voie ascendante). Je dois à la fois préserver le LHA et nourrir le SOK. Ex : si on n'est pas au bon endroit, notre SOK est dispersé.
Tradition de rituels autour de la couleur blanche (lait,...) = revenir à la bonté originaire du LHA // "bonté fondamentale" de Trungpa.
Si ma vitalité est atteinte, comment je le repère et comment je peux faire pour la renforcer ? Comment je peux aider ou accompagner le Divin à nourrir l'esprit et la vie en moi ? C'est la perspective.
Pour ré-instaurer ce rapport d'équilibre au monde => rituel du Lhasang. Offrande au LHA : cérémonie de purification avec de la fumée à partir de plantes. Un paganisme ? Point de vue existentiel = on offre de la fumée, on s'absorbe dedans, on se tourne vers l'ouvert et le vivant de manière concrète. Expérience physique pour entrer plus avant dans la situation. Chants pour être rassemblés. Réinitialisation.
Au passage de la nouvelle année => redoubler de vigilance et de présence ! Attention aux Döns... !
II ] Axe 2 = Gésar de Ling :
Cf. Alexandra David-Neel + peintures.
Epopée la plus ancienne.
19è s. --> Bouddhisme en crise, malsain, avec des guerres entre écoles. Jamgon Kongtrul Le Grand et Mipham fondent le mouvement oecuménique RIMAY // Renaissance occidentale : on apaise, on transcende les querelles, on sort de la crispation politique et identitaire, on rassemble les textes anciens, on en revient aux fondamentaux --> Mipham articule la tradition chamanique liée à Gésar et le Bouddhisme.
Réconcilier le chamanisme de l'Asie intérieure avec la métaphysique et l'épistémologie scolastique du Bouddhisme indien. Quel lien entre les deux ?
Son nom, Gésar, vient de l'empereur romain César.
A sa naissance, il commence par s'engager contre les démons : il tue une marmotte, symbolique. Il est rachitique, déformé, abandonné, mal élevé, laid et mal habillé, désagréable avec les gens => mis au banc de la communauté. S'en va dans la montagne et grandit en secret avec les esprits de la montagne = un être qui vit en marge pour rassembler son pouvoir, entendre une autre parole que celle sociale, convenue, et entrer dans une autre dimension. Ici, le héros commence par se manifester comme un niais, avant de transmuter la situation depuis le plus profond de lui ≠ bons élèves, enfermés sur des autoroutes toutes tracées. (= leçon humaine)
Puis vient la métamorphose - avec une épreuve de course de chevaux qui manifeste sa noblesse. Il entre alors dans le monde et se met à lutter contre la corruption des pratiquants par le pouvoir et la recherche de reconnaissance, au détriment de la loyauté / nudité / vulnérabilité / authenticité fondamentales (idem Trungpa). Attention quand "cela tourne" / une rupture de serment ! = entente du Mal (en dehors du Diable catholique) en fonction de forces de vie qui deviennent déloyales et qu'il faut réengager dans le principe initial.
// monde chevaleresque au sein du monde tibétain => guerrier spirituel.
Gésar va en enfer pour, à partir de ses enseignements, aider les gens qui s'y trouvent coincés, intoxiqués ; il va là où les gens se sont détournés de leur propre intention afin de les y ramener.
III ] Axe 3 = la voie du chaman guerrier :
Quelle sagesse ?
1/ Se regarder soi-même en face : considérer le noyau / l'essence les plus intimes de son existence, sans crainte, avec une honnêteté courageuse. Ne pas être bienpensant et lâche (cf. attitudes religieuses). Ce n'est pas ici une connaissance théorique, mais une expérience au fil de l'épreuve. On développe alors un regard sacré sur soi, avec douceur. Il y a une joie de se rencontrer. On est simplement soi-même et, alors, on est vraiment plus fort.
2/ Se prendre en charge : être adulte, en se libérant de la superstition - personne ne fera le travail à notre place. Personne dans le ciel ne décide pour nous. Ne plus se sentir accablé par le réel. On n'est pas tout puissant ; c'est à notre mesure que l'on peut travailler sur les choses.
3/ Découvrir la nature de la peur, en constatant que l'on a peur. L'absence de peur n'est pas "ne pas avoir peur". A partir de là, dans cette acceptation, je cesse d'être prisonnier de ma peur. Nervosité, angoisse, insuffisance, accablement... Ne pas être pris dans la fuite par les gadgets du divertissement, mais assumer sa peur.
Puis s'enraciner, tenir solidement contre la lâcheté. Cf. voie Kasung = protection et incarnation ≠ discours spirituels mous ou gentillets. Prendre appui sur la Terre-Mère sous le Ciel-Père. Ainsi, je ne suis pas englouti... car je développe la vigilance et la précision. C'est parce que j'ai peur que je vais vers l'absence de peur.
4/ Danser avec le chaos / avec nos émotions comme des messages du monde qu'il faut repérer - avec, en arrière plan, une paix profonde. Accepter la ligne courbe, de ne pas comprendre. On entre dans la nature de l'émotion pour la transformer => on choisit le risque ≠ calme.
5/ Chevaucher le Cheval de Vent : la force du dedans. Cf. jour 3.
6/ Explorer la dimension de bonté originaire de la nature sacrée => déployer sa confiance dans la mère-nature, dans la plante ; s'accorder au surgissement de la vie est quelque chose de juste. ≠ entêtement personnel. Quand on sent sa propre confusion, c'est un appel à aller vers sa lumière... On ne se décourage pas !
7/ A partir du moment où on tient le poing, savoir trancher ! On coupe le corrompu, l'injuste, la confusion, le bavardage, la justification. Trungpa parle du HACHER (arme du guerrier) - pas par violence ou agression, mais dans la tendresse. Cf. dimension chevaleresque. Je tranche à partir de l'espace ouvert pour que ce soit juste. Rasoir d'espace qui coupe l'idée d'être rassuré quant à sa place.
==> splendeur et magnificence déployées à partir de là.
8/ Transmettre la magie ordinaire :
a/ Le monde est magique quand j'entre dans l'ordinaire et que je le célèbre. ≠ sentiment d'humiliation, ressentiment ou plainte : le monde est travaillable.
Sortir des rêves (≠ de l'imaginal créateur) pour toucher le réel. Entrer plus avant dans le réel pour le transformer. Saisir une occasion de grandir en humanité. Renversement radical, changement de paradigme.
b/ Toucher l'ouverture où l'on est sans nom, sans concepts, sans idées. Reposer dans ce qui fait sens dans l'ordinaire, libre de l'obsession de comprendre qui fige tout.
IV ] Bonus :
Trungpa sur Carlos Castaneda, anthropologue nord-américain (1960-1968 : élève d'un chaman qui lui apprend à voir au-delà des apparences). Passer du TONAL (monde ordinaire) au NAGAL (champ d'énergie plus vaste, plus originaire, qui devrait être reconnu). Notre travail = nous aligner avec d'autres formes de vie et d'intelligence ; invitation à sortir du "moi" habituel.
Critiques de Ch. Trungpa / Castaneda :
! au mythe ou au culte de la personnalité du maître. Avoir un rapport de questionnement : qu'est-ce qui est montré que nous pouvons regarder nous-mêmes.
! aux drogues : elles peuvent aider (ou pas : ! névroses et psychoses), mais n'éclairent pas. Ce qui transforme, c'est de travailler avec notre esprit. Ce qui compte, c'est de voir et de changer de perspective sur sa propre vie. La drogue ne rend pas heureux.
Il s'agit, avec notre esprit, de voir notre propre esprit... afin d'en être moins dupe.
V ] Pratique :
- 4 forces
- Sentir la vie en prenant appui sur quelque chose qui la manifeste, l'incarne ou la symbolise (un arbre, une plante, une fleur, une couleur, un animal,...) ; s'y relier nous rend plus vivants, nous aussi ; cela nous réjouit, nous comble...
- Choisir un paysage qui, pour nous, incarne la Nature sacrée (mer, montagne,...) ; sentir par les cinq sens : l'écoute, la température, l'humidité,... ; qu'est-ce que ce paysage me dit ?
- Est-ce qu'une émotion peut être mon alliée, là ? peut-elle m'aider à accomplir ce que je dois dans ma vie actuellement ?
- C'est le temps de quoi dans ma vie ? Qu'est-ce que le temps me dit ou me demande pour être en phase avec lui ? Là maintenant, à un moment précis, mais aussi plus généralement dans ma vie de maintenant.
JOUR 3 : Le Cheval de Vent
Introduction par la pratique méditative de chevauchement du souffle.
La méditation peut être une pratique chamanique très profonde de guérison et d'ouverture sur la magie du monde. Elle est rarement présentée comme cela.
Dans le monde tibétain, les dimensions chamaniques (hors cadre) et bouddhiques s'intriquaient.
I ] Problématique :
Quand on rencontre un problème, que fait-on généralement (dans notre entente occidentale) ? On en cherche la solution par une réflexion logique sur la cause --> induisant un contrôle sur l'origine présumée du problème.
Ou bien comprendre en voyant l'ensemble de la situation.
Critique de François Roustang (thérapeute) : Faire s'éteindre la pensée explicite. Aller dans sa confusion. Repasser par l'idiotie pour accéder à l'intelligence. Inventer un savoir qui se perde sans cesse en ces êtres et ces choses pour les appréhender de l'intérieur, de leur propre mouvement.
Pour comprendre les choses, on renonce à la position de surplomb au profit de la capacité de rencontre. La construction causale et technique de la psychologie est une impasse.
Le rapport que nous avons à nos obstacles et difficultés est bien trop restreint et cérébral ; on n'entre pas assez dans l'ampleur de ce qui se passe. Opter pour une perception élargie qui me met en rapport à l'entièreté de la situation et qui me permette de me dé-figer.
Critique de François Fédier (philosophe) : Comprendre a avoir avec tout, avec la manière dont l'ensemble de ce qui nous concerne s'articule. Dans le comprendre les choses se mettent à jouer ensemble. cf. pensée scientifique avec schématisation solide, induite par une explication mono-causale ; il y a des endroits où cette manière peut avoir du sens, mais pas pour ce qui concerne l'expérience et la vie.
Sortir de quelque chose de restreint, volontariste et contrôlé pour entrer dans l'ampleur de la chose - sans penser qu'alors on se trouve dans le flou !
II ] Vision chamanique :
Vision chamanique = ne pas chercher à comprendre ce qui pose le problème, mais voir ce qui peut nourrir / favoriser la vie. Pour cela, on se doit d'épouser l'entièreté des situations ≠ crispation coincée et non-percevante. On ne va pas être ouvert parce que l'on va réfléchir ; on va l'être au sens où on rentre dans un mouvement de sensorialité (décrit par F. Roustang).
Ce qui fige, c'est la manière dont on perd ses moyens et dont on tourne en rond.
Chamanisme : comment faire jaillir / convoquer la puissance du ciel / de la Vie ; comment renforcer la vitalité en soi - au sens où on sent qu'on peut, qu'on est autorisé (ce qui est souvent lié à au rite de passage, au rapport à, à l'influence de l'autre - qui nous fait confiance et éveille notre vitalité) ; seul, par soi-même, on ne s'en sent souvent pas capable. L'autre nous donne alors un nouvel espace qui nous rend possible quelque chose.
Vitalité (≠ être en forme) = énergie, puissance, pouvoir, dignité, allant, confiance, courage, classe => charisme, présence irradiante => équilibre fondamental qui est "en ordre" [ ≠ de quand on est éteint ou fatigué ]. Ce que la perspective chamanique essaie de penser, d'éveiller et de faire croître.
Dans toutes les traditions de l'humanité, c'est nommé : le Pneuma grec, le Mana polynésien français, le Cheval de Vent tibétain.
III ] Le Cheval de Vent tibétain :
= une "banque d'énergie" (Ch. Trungpa).
Femmes chamanes en Chine du sud => puissance et grâce du "Cheval-Dragon" (impérial, cosmique) représenté comme un cerf. Un animal incarne la puissance que l'on invoque, qui devient une manifestation de cette énergie vivante et une manière de s'y relier.
Erreur de traduction (ré-habitée) : "Lung" = Dragon et Vent.
"Cheval" : animal noble, splendide, sauvage --> le capturer en le respectant, en le chevauchant dans une osmose avec lui.
Sens de joie, enthousiasme et douceur => qui éveillent l'énergie. Solidité et légèreté. Etincelle de ravissement, éclair soudain de vigilance. Sans la moindre arrogance.
≠ découragement, torpeur, épuisement, ressentiment. Chaque fois qu'on ne tient pas / une situation.
Il s'agit de restaurer un système énergétique subtil qui fait partie du corps.
IV ] Pratique du Cheval de Vent :
= transmission d'un état d'être (≠ compréhension réductrice)
- se poser / prendre sa place / son siège dans le monde sacré ≠ spéculation intellectuelle ; assumer d'être là au centre de sa vie ; sans se figer dans la paranoïa / monde extérieur ; ici, mouvement magique et mystique --> on est autorisé à partir du Ciel ; rassembler son pouvoir en se sentant fier de soi-même, unique, irremplaçable, important, précieux, grandiose ;
- nourrissement du corps, du sentiment de la vie et de l'esprit ; intensité (naturelle) dont on ne doit pas avoir peur => la laisser être - avec toutes ses émotions et pensées (brillantes ou désespérées), qui participent d'elle ; on passe du contenu des émotions (bla bla) à l'intensité ardente, irradiante, incandescente, exubérante de la présence et de la vie ; la vie, ça donne...
- sentir qu'on est bien posé sur la terre, ainsi que l'immensité du ciel au dessus de soi ;
- se rassembler simplement ; on trouve son centre unifiant => trouver l'unité qui nous rassemble, et y prendre place ;
- rassembler le pouvoir de l'espace en soi --> le faire venir en s'ouvrant aux 4 directions - cf. chez les Sioux : associées à des couleurs ; ou 4 dignités tibétaines : tigre, lion des neiges, garuda, dragon ; idem mandala ; ou 4 symboles / formes géométriques ;
- essayer de le faire en faisant confiance à la situation ;
- on peut se relier aux ancêtres, qui confirment notre droit à prendre notre place ; prendre appui sur la sagesse de notre propre famille, sur des figures titulaires qui nous inspirent (maîtres, artistes, personnages mythiques), ainsi que sur la lignée tibétaine ; cf. lignée impériale-témoin, paternelle et maternelle - au sens large ; ex : toute l'énergie maternelle => tendresse infinie... ;
- que voulons-nous servir et célébrer ? pourquoi ? au nom de quoi ? Cf. chaman au service d'une communauté ; => en ayant au coeur le service du bien, de la justice, de la beauté, de la grandeur, de l'amour ; soutenir cela avec humilité (là est la pratique) ;
- laisser la force se rassembler, s'installer et s'intensifier en soi ; au service du monde et de la vie ; force concentrée sur le coeur => la confiance en soi monte ; on peut ressentir de la lumière, un nectar ou un animal sacré - qui fait alliance avec nous ; l'effet est physique ! ;
- couper court à toutes les formes de doute, de peur ou d'obstacle en soi => trancher ! ; on coupe l'ambition personnelle ; abandonner, ne pas se laisser détourner de la confiance ;
- arrêter tout effort et laisser irradier la force => la donner au monde, la laisser le nourrir ; on a cultivé la force du dedans et maintenant on la laisse rayonner ; "[le Cheval de Vent] flambera comme un feu, se répandra dans l'esprit comme un océan houleux" (Trungpa) ;
Pratique de vaillance souvent implicite dans nos vies --> cf. quand on prend une douche, quand on prend la parole en public, quand on marche dans la nature, quand on nage,... Il est bon de voir qu'on peut réaliser plein de choses à partir de là, dans la justesse.
JOUR 4 : La vision de l'Âme
Questions / réponses :
L'esprit des ancêtres // le Dharmakaya ou Miroir cosmique.
Considérer certes les blocages, mais aussi les dons que nous recevons de nos familles.
I ] Le 7ème sens :
Les 5 sens (vue, ouïe, odorat, goût, toucher) + la proprioception (perception du corps dans l'espace) + la thermoception.
Le 6è sens = intuition, instinct. Le 7è sens = petite musique / petit grain de magie qu'on sent dans une situation et qui nous permet d'entrer dans une dimension plus vaste. Ni sensible, ni conceptuel. Dans la profondeur de l'expérience, comme une mélodie qui devient parole. Manière de "voir" via l'imagination (mot à redéfinir).
Entrer dans quoi que ce soit (perception d'un être ou d'une chose) et capter la mélodie propre de cet être ou de cette chose-là.
Ce n'est pas sensoriel, intellectuel, ou même extrasensoriel - au sens habituel des "capacités psychiques" capables de pénétrer d'autres mondes. Les dieux / les célestes ne sont pas "vus" par des perceptions extrasensorielles, mais par le 7è sens. Prétendre le contraire décrédibilise le discours ésotérique - ainsi mal posé, mal nommé - cela donne l'impression de ne pas être simple.
Les dieux sont une dimension de présence au sein même de l'expérience que nous vivons ≠ sortie du réel, du corps, du présent, de l'image, de la sensibilité, mais au contraire par la reconfiguration qu'est le 7è sens. C'est percevoir avec l'âme.
Cf. William Shakespeare : "Nous sommes tissés de l'étoffe dont sont faits les songes."
Que sont ces songes ? Pourquoi nous constituent-ils ?
L'âme, comme capacité à entrer en résonance avec une dimension vivante.
Les artistes et les mystiques qui deviennent un peu poètes, comprennent. Pas les religieux qui, en eux, conservent la dualité corps / esprit.
Ici => transmission de l'âme.
Existe la forme / l'apparence externe des phénomènes (ex : mimosa). Nos sensations et émotions, on s'en fout ! Ok quand cela témoigne d'une expérience phénoménologique de la vie et du réel qui nous permet de gagner en amplitude => creuser et entrer dans le monde de l'âme. Le monde de l'âme, c'est la confiance, la beauté, l'amour, la grâce, la luminosité, l'humilité... Tout cela dépasse le cadre de mon émotion ou de ma pensée.
Rencontrer les gens et voir par où ils sont beaux et insondables => constitution d'une vraie communauté spirituelle. Ajustement qui induit un déplacement => on sort de la fixité habituelle / l'identité attribuée aux gens.
Cf. Henri Matisse + peinture : "Trois baigneuses à la tortue".
--> Certains être sont plus humains que d'autres. "Etre humain" n'est pas un fait de nature, mais une exigence qui s'impose à tous. Cela ne vient pas tout seul.
--> S'identifier à son entourage. Ex : à une personne, à un paysage ou au mimosa. Entrer dans une modalité d'attention qui développe des intentions pour les choses que l'on considère - avoir égard envers elles --> quelle attitude juste ?
Le 7è sens, c'est comment être capable vis-à-vis de toute chose ou de tout être d'une attention qui nous ouvre à ce que chacun et chacune est. = coeur de l'enseignement donné.
Comment déployer l'attention qui permet d'avoir l'attitude qui sied, en étant défait du sentiment d'identité courant ? ≠ être gentil.
[= véritable définition du "non-égo" dans les textes anciens]
II ] Qu'est-ce que l'Âme ?
1/ Pourquoi, en quoi est-il indispensable et précieux de se relier / se retrouver dans le monde de l'âme - en tant que pratiquant et en tant qu'humain vivant à notre ère ? => joie, vie, confiance, apaisement.
C'est parce qu'on a besoin du monde l'âme que Fabrice fait un séminaire sur le chamanisme. En quoi le chamanisme, de nos jours, est-il le plus à même de nous éclairer sur le monde de l'âme ? ≠ monde tibétain qui, devenu dogmatique, a perdu ses promesses.
Dans la pratique, on se fout la paix, on ne s'attache pas, on devient plus souple, moins solide, plus ouvert => libération extraordinaire ; mais on pourrait rester coincé dans cette ouverture, qui deviendrait un peu vide !
Il est donc aussi important d'entrer dans le monde des rythmes et des modulations, des énergies méditatives dévotionnelles, humaines.
On est ouvert, et on récupère une partie de notre être qui est manquante (parce que socialement on nous l'a volée, sans bien nous en rendre compte --> on nous fait être dans un monde qui n'est pas le vrai monde, dans un rapport instrumental / jouissif au sensible, ou un rapport mental). La jouissance est très décevante - sans âme. Elle nous rend exsangues. Les enfants, eux, ont de l'âme !
Entrer dans cet entre-deux entre le réel et l'irréel.
2/ Qu'est-ce que l'Âme ?
Dans le monde grec (libéré de la lecture scolastique de Saint Thomas d'Aquin --> traductions fautives depuis le XVè siècle) : l'âme chez Aristote ("Traité de l'âme") est "la psyché" (=> psychologie !) = principe de vie, ce qui anime le vivant, ce qui nous fait exister, ce qui nous ouvre à l'entièreté de la présence et à la lumière, ce à partir de quoi vit la vie.
Tout ce qui est vivant est animé par une âme. Psyché anime tous les êtres vivants :
- depuis l'âme végétative des plantes ; mais aussi les nuages, l'eau, les rivières,... ;
- l'âme désirante de la vie motrice : les animaux ;
- l'âme proprement humaine, avec pour principe de mouvementation de "vériter" --> "elle vérite" ; elle s'ouvre à ce qui est pleinement.
"L'âme est en quelque sorte tous les étants" / les vivants. Cela est vrai parce que cela se montre et se déploie.
L'âme nous ouvre au monde : je deviens mimosa ; il devient un chant qui "me modèle en sa mélodie".
Dans le monde chrétien (qui nous tient prisonniers) : l'âme est ce qui doit renoncer au monde pour entrer en Dieu => coupure du métaphysique (supérieur) et du physique (bas de game - qui peut néanmoins entrer dans un canon artistique idéal) ! Pour être "âme", l'âme ne doit plus avoir de rapport au monde, au sensible et au corps (= partie vile de l'être humain, sujette au péché de la chair et des instincts).
Il y a là une construction tellement violente, artificielle et étrange.
Cf. Paul Claudel - catholique et amoureux fou d'une femme mariée => son confesseur lui conjure de "n'aimer que son âme et de désirer son salut éternel !" = abstraction impensable, délirante.
! christianisme = religion aussi de l'incarnation, avec "le corps du Christ".
Matisse nous montre un corps chamanique --> "Les trois baigneuses à la tortue" : jubilation où le corps et l'âme ne sont pas séparés.
Cf. Rainer Maria Rilke : "Tu sais que je ne suis pas de ceux qui négligent leur corps pour l'offrir en sacrifice à l'âme."
Coupée du sensible et du monde extérieur, l'âme devient une substance - avec une identité éternelle ; elle devient aussi exclusivement intérieure => s'enfermer dans son intériorité pour y rencontrer Dieu ?
Cf. Friedrich Hölderlin qui a retrouvé le monde grec derrière la scolastique : "Chez les anciens, chacun appartenait de tous ses sens et de toute son âme au monde extérieur." (1799).
Plus intéressant de s'ouvrir à la splendeur du monde, inséparable de ma propre splendeur. L'âme alors, c'est passer de l'intériorité à l'intimité avec une fleur, avec un être, avec le temps qu'il fait,...
Âme = intimité ouverte sur le monde.
Dans la vision chamanique : l'âme = ce qui assure mon intégrité énergétique et spirituelle + est faite de ma relation au monde --> en lien inséparable avec mes relations. Mon âme est relationnelle : elle a besoin d'être accordée au monde. C'est le désaccord avec le monde qui fait que l'âme souffre.
=> L'âme n'a pas d'identité indépendamment de l'environnement. Le monde est "un" => animaux, plantes rochers, vent, pluie,... imprégnés d'esprit.
L'âme voit au-delà de l'immédiatement visible ; elle voit des niveaux de profondeur d'être. Cf. chez les esquimaux, notre nom est notre âme.
Par "âme" sont nommées des modalités de présence à partir desquelles on s'ouvre au monde.
III ] L'âme voit avec l'imagination.
Cf. Charles Stépanoff (anthropologue, "Voyager dans l'invisible. Techniques chamaniques de l'imagination") : en Occident --> imagination mineure, dévalorisée, reflet de ce qui n'est ni utile ni réel. Cf. "Pleine conscience" qui évacue la rêverie = crispation intellectuelle.
Les nouvelles recherches en science cognitives montrent que les images inconscientes libres sont indispensables. Il n'y a pas de pensée sans projection ou appui imaginatif prospectif.
"L'acte de rêverie ou d'imagination est au coeur du développement psychique et cognitif normal, mais s'emploie variablement selon les cultures et les époques".
Au fond, le chaman imagine. La transe chamanique est la capacité d'imagination.
"Imagination créatrice" ou "imaginal" (dans sa dimension heureuse) = confiance dans le pouvoir des images à faire apparaître un sens, une vérité, une expérience.
* Fantasia (grec) // Phos : ce qui lumineux, ce qui fait apparaître. Capacité de phénoménaliser les choses (de 2D en 3D). On est tout le temps en train de compléter le réel par l'imagination => sans l'imagination, je ne verrais rien.
Cf. Charles Beaudelaire (Salon, 1859) --> imagination = "reine des facultés".
Quelques principes sur les images :
- Les images sont vivantes - peu importe si vraies / réelles ou pas ; je ne peux les contrôler ; mais elles sont imprégnées de sens, beauté et profondeur ;
- Ne pas être gêné par l'impression que nous les créons, qu'elles sont peut-être fabriquées ou non-originaires ; ce qui compte, c'est leur énergie, leur mélodie,...
- On a tous des fantasmes => les mettre au service de la vie ! => que notre cadre imaginaire soit fécond !
IV ] Pratiques de l'âme créatrice :
- Je pars à l'aventure, libre des concepts et de la psychologie --> promenade ; pas de méta-discours sur soi-même ;
- Ces exercices sont là pour faire grandir la vie (≠ moi-même) ;
- Il ne se passe rien ; c'est juste le jeu de notre esprit - avec lequel on travaille ;
1/ Méditation sur notre objet préféré : en quoi cette relation nous fait du bien ? s'identifier à lui ; se nourrir de ses qualités ; le ressentir avec son âme ; l'objet nous fait un don ;
2/ Méditation sur un être humain : sentir sa présence, ce qui irradie d'elle : une couleur ? ; ressentir sa modalité de présence, sa mélodie ; voir la beauté de cette personne, en quoi elle est "bonne", magnifique = senti imaginatif qui nous relie à elle ; voir comment cela nourrit notre propre âme ? ;
3/ Méditation du mimosa : commencer par regarder avec la vue, d'un point de vue objectif, matériel ; percevoir une qualité du mimosa (éclosion simple et jubilatoire de vie jaune) ; éprouver de la gratitude ou de l'amour pour sa splendeur (et, par là, pour notre propre splendeur) - et réciproquement ; communication avec le corps énergétique, subtil, poétique du mimosa => que me dit-il ? me donne-t-il des conseils pour vivre comme lui ? ; voir qu'il n'est pas juste un mimosa, mais une forme de divinité ou d'ange - qui me parle ; se sent-on mieux alors ? comme les enfants, les artistes et les chamans => est-ce une aide à vivre, parce que cela fait sens pour moi ? ;
Enseignement suite :
Nous sommes dans un monde de domination matérielle sur les choses ; nous vivons dans un rapport d'instrumentalisation sur les choses pour les rendre efficaces, utilitaires ou consommables = malédiction ! Nous vivons intoxiqués par la légende du "monde mort", par une idéologie mortifère, non-vivante, inculquée par le monde environnant => réification physicaliste de la réalité, sans plus de signification.
Nous sommes enfermés dans une sorte de souillure de "notre conscience" ≠ communion de vibration à vibration.
La question n'est pas de savoir si les Anges existent, mais s'ils nous parlent, ou pas. Ils sont réels et irréels - inconcevables, inexprimables, et intégralement parlants.
Prendre acte que nous avons tous un rapport à des images. En quoi je peux être nourri, construit par elles ?
Cf. Ch. Trungpa : "Nous excluons de notre coeur toute l'immensité de la perception".
4/ Méditation / un être qui incarne la sagesse pour nous - une figure d'inspiration, une déité : à partir de son image vivante, animée --> sentir sa présence, être ému par une dynamique d'élaboration de l'âme avec elle ; nous dit-elle des choses ? ; sentir notre amour, notre dévotion et notre loyauté pour elle ; la laisser nous nourrir, nous apaiser, nous guérir - elle sait ce qu'elle a à faire ;
JOUR 5 : Loyauté, amour et dévotion
Questions / réponses :
— Comment parler de l'âme sans que ce soit "hors sol" ? mais, au contraire, naturel. Âme = reconnaissance d'une expérience que tout être humain a faite.
Cf. / livre de Stéphane Allix : "La mort n'existe pas" --> Or, la seule certitude, c'est que nous sommes mortels ! (Heidegger) Nous nous déterminons / cette finitude !
Fabrice ne dit pas que l'âme s'éteint après la mort ; il n'en sait rien. Mais, même, si l'âme persiste, ce n'est plus nous !
Les EMI (expériences de mort imminente) ne donnent rien du rapport profond à l'âme (pour sortir de sa prison).
— Sortir de la causalité (technique, mécanique) / question telle que : Pourquoi sommes-nous là ? (impliquant le sens, selon un faisceau d'éléments).
— On devient soi, quand on cesse de chercher à l'être. cf. Art --> les artistes ne s'expriment pas : non, ils cherchent à s'oublier pour que ce qu'ils regardent puisse s'exprimer par eux.
— Les images qui surgissent peuvent être profondes ou débiles => ne pas tomber dans leur superstition, savoir les interroger.
— Ce n'est pas parce qu'on a une finalité (même concrète) qu'on devient instrumental (=> quand on force pour immédiatement obtenir un résultat).
Ex : plus l'artiste a une ambition forte (/ un monde plus beau, plus sacré...), plus son oeuvre sera aidante pour les autres.
— Archétype (psychologique) --> abstrait ≠ présence tangible, expérience qui nous anime. Comment un archétype nous fait-il vibrer ? Cf. Jung et Plotin = trop métaphysique, dans le mauvais sens du terme.
— Dans RESO, existe un chemin --> seule la pratique peut nous faire garder un lien avec le monde magique.
I ] Qu'essayons-nous de faire dans RESO ?
Le chemin = grand chemin au coeur de toute spiritualité authentique => retrouver la parole de toutes les grandes traditions spirituelles (Hindouisme, Bouddhisme, Christianisme,...), sans que ce soit théologique. Ne pas être pris par des identités (ex : aller à la messe) jusqu'à en perdre le sens de la voie.
Ici, retrouver le propos de la voie à partir de l'expérience existentielle qu'on peut en faire => impliquant une transformation concrète de notre existence, pour de bon !
1ère Manière : se libérer du point de vue de l'égo. Réalité fixe et stable ? Non. Cf. égocentrisme = un process qui nous crispe contre le réel. Sortir de son piège => être en communion avec le réel, être "un" avec ce qui est ≠ chercher à atteindre un idéal.
L'égo dit : "Le monde n'est pas bien fait ; demain, il répondra mieux à mon attente". Or le monde ne se plie pas à notre bon vouloir = lutte perdue d'avance et qui, au terme de notre vie, nous laisse amer. Bien sûr, il existe des moments heureux ; mais il est très fragile de ne s'attendre qu'à ça. Il existe un état d'être plus profond => devenir un peu moins prisonnier des aléas qui nous manipulent ≠ indifférence.
II ] Comment entre-t-on dans cette voie de transparence ?
... pour terminer sa vie dans l'émerveillement.
Dans notre enfance, on nous apprend des buts compréhensibles, légitimes, mais restreints. C'est important et respectable ; mais il y a aussi l'appel de notre âme, plus profond (= sens du chemin ; socle à partir duquel le reste peut trouver sa place de manière plus juste).
- la voie d'une forme de renoncement, pour revenir à la simplicité de notre être ;
- la voie chamanique = voie de joie et d'amour pour le vivant ; c'est en se laissant ébranler et réjouir par le vivant / la beauté / les liens... que le chemin s'ouvre ;
Conviction de Fabrice = échec de la transmission spirituelle telle qu'elle a lieu depuis un siècle, alors même que sortie progressive du dogmatisme. Quelque chose ne se déploie pas - dans un contexte de "monde mort" qui nous incite à augmenter nos besoins.
On n'a pas assez mis l'accent sur cette dimension extrêmement heureuse de la voie, qui est de s'ouvrir à l'extraordinaire -> à partir de l'ordinaire. On ne trouve jamais l'extraordinaire en passant au-dessus de l'ordinaire.
Le Cheval de Vent est très peu connu et transmis. = manière de toucher cet espace authentique de la voie, libre de la mesquinerie de l'égo... mais de manière "chouette", enjouée ! (cf. vie et couleurs dans RESO). Parfois, dans notre monde, le Cheval de Vent est implicite car, dans certains rituels, on voit le soulèvement de la dignité... mais sans trop comprendre comment cela fonctionne.
Le monde de l'âme, c'est entrer dans l'amplitude magique de la vie. Il y a quelque chose de bon.
Loyauté, amour, dévotion = 3 visages chamaniques du non-égo - de la non-crispation sur une identité figée, de la libération du process "j'aime / j'aime pas ; c'est bon pour moi / c'est pas bon pour moi".
Loyauté :
La loyauté = être fidèle à quelque chose qui est essentiel pour nous ; marcher vers ce qui fait sens ; très pratique quand on se trouve dans le brouillard ; plus besoin de comprendre : quelque chose comme un sillon apparaît et me permet d'avancer ; très pragmatique.
Ici, on est tenu par quelque chose qui n'est pas soi-même ; il y a quelque chose d'autre que soi en soi : cela fait du bien.
La question du sens n'est pas facile à comprendre ; il ne s'ouvre qu'à partir de l'âme (≠ une formulation mentale) ; cela veut dire que ma vie est en jeu ; ex : quelque chose de ma vie alors s'éclaire, se libère, prend une direction et s'harmonise en étant en présence de telle oeuvre qui fait sens pour moi, en terme de splendeur sacrée => qui me dit comment vivre ; et cela me met dans un drôle d'état, cela me rend heureux, cela donne à ma vie son impulsion, cela me dit à quoi je dois être fidèle,... (≠ syndrome culturel ou expérience esthétique du seul et pauvre : "C'est beau") ;
Le sens n'est pas affaire d'explication intellectuelle, qui nous oblitère. Il s'agit au contraire d'un travail d'écoute : je trouve le sens en écoutant toujours plus avant ce qui se passe pour moi. Le sens n'est pas non plus lié à la subjectivité.
Le chamanisme est une pratique et un art de la loyauté --> le chaman est fidèle à quelque chose qui oriente et détermine sa vie, et qui fait que les circonstances aléatoires pèsent moins lourd. On ne se dit plus : "Le monde n'est pas bien fait" ; mais : "Comment je peux être ? Qu'est-ce que je peux faire ?".
La seule solution quand les choses vont mal, c'est la question de ce que l'on peut faire. Spiritualité ≠ état purement contemplatif, mais => dimension active et concrète ! On s'engage dans la spiritualité parce que l'on croit que les moyens habituels que l'on nous donne pour agir sont beaucoup trop courts et ne nous libèrent pas de la prison => désir de moyens plus justes pour agir - dans une dimension authentique d'amour.
Amour :
L'amour, c'est vouloir et se réjouir de tout son être que ce qui est soit - le plus amplement possible. Ce n'est pas du tout "gentil" ! Ne pas enfermer l'amour dans la médiocrité... L'amour a toujours à voir avec le fait de sentir ce qui nous manque pour être, et vouloir le libérer.
Cf. le Haché est une pratique d'amour véritable => quelque chose doit être tranché pour être libéré.
Dévotion :
1/ D'une manière ou d'une autre, on est touché par quelque chose => notre coeur / âme / être est concerné, appelé. Ce peut être une petite lueur (ex : de l'eau versée dans une tasse, un oiseau qui passe dans le ciel,...). Comment rester fidèle à ce miracle qui apparaît ?
Discours souvent phagocyté, parce que jugé trop niais. Tout de suite, dans notre monde, c'est ramené à "la médiocrité des petits riens", au "bonheur de l'instant présent",... Or, le surgissement de la magie opère souvent à partir de choses qui nous déconcertent et qui font effraction. Ne pas réduire ces moments simples à quelque chose de juste "joli", sinon cela devient très égocentrique.
Cf. photos de Doisneau et de Cartier Bresson (enfants spectaculaires, qui sourient, qui manipulent,...) --> on sent ici une idée pas habitée ou pas réelle (comme une représentation mentale). Quand c'est réel, c'est souvent a priori déconcertant, voire horrible ! Cela nous réveille et nous déplace !
Versus photos de Adget = photographies de Paris, sans vouloir faire oeuvre artistique => travail qui nous touche par l'orchestration de la lumière (à la seconde près) / par le cadrage (question de distance et d'agencement des lignes) / par la présence du monde / par l'intégrité et le regard irremplaçable du promeneur. Regard parisien de Fabrice "lavé" par Adget ! Adget a appris une modalité d'attention qui fait que le monde surgit vivant : unicité tangible du concret => cette maison-ci, cet enfant-là ; je ne m'attendais pas à ce que ce soit ça...
La dévotion peut être aussi liée à quelque chose d'hors du monde et de transcendant - au-delà du matérialisme habituel des choses.
2/ L'âme est appelée dans toute sa densité : on sent un embrasement ; on est concerné par une dimension extrêmement simple et profonde, de façon indiscutable.
3/ Accepte-t-on de répondre à cet appel et de le servir ? Je choisis de répondre à quelque chose qui a ouvert le monde à neuf pour moi.
Cf. Saint-Paul de Tarse => Que je sois en rapport de pensée avec ce qui existe de plus beau, vrai, pur, juste, honorable,... avec ce qui me fait grandir - ! faire vraiment attention de ne pas se tromper de cible ; cela requiert du discernement.
Ce n'est ni une question d'intelligence, de travail, de culture => la dévotion est pratiquée par les gens les plus simples.
Ce qui bloque la dévotion => les fausses ententes :
- entente religieuse d'une dévotion pour une instance / figure / réalité extérieure et supérieure à nous (cf. / gourou) ; la dévotion emplit, comble, apporte la plénitude, car on devient la splendeur que l'on vénère ; la louange véritable ne nous écrase pas comme un pauvre pécheur ; la dévotion ne renforce pas la dualité, mais la supprime ! ; la dévotion n'est pas non plus une croyance.
- confondre la dévotion avec l'intensité (des larmes,...) --> c'est une question de tempérament ; les émotions ne sont pas forcément aidantes ; ici notre coeur se rend à la grandeur et à l'amour !
Cf. Les indiens d'Amérique du Nord ne sont pas polythéistes --> Dieu est "un" avec plein de manifestations (le soleil - dans le cosmos, avec les 4 directions, les phases du temps, le cycle cosmique -, l'aigle,...) ; la Nature = sanctuaire théophanique (qui révèle Dieu). Les rayons (soleil, plumes d'aigle) ont une qualité magique d'âme rayonnante => rite du chaman qui, avec sa coiffe, prend la place du soleil --> celui qui est qualifié met les plumes et lève le Cheval de Vent, pour lui-même et pour la communauté, ainsi purifiée et remise en rapport à l'ouvert.
Tellement intelligent ! = des liturgies pour se mettre en rapport à la Nature, afin de s'y configurer et de la remercier. Les indiens sont des enfants et des prêtres de la Nature ≠ spectateurs.
IV ] Pratique :
On ne se sent plus "pas à la hauteur", en dette, inadéquat, intimidé, défaillant. Avec la dévotion, ces sentiments n'ont plus d'importance => la mesquinerie, la rivalité, la compétition ou la jalousie, s'évanouissent. On a à apprendre ce chemin qui, pour nous, est un contre-chemin - depuis notre enfance.
- 4 forces (écoute, assise, respiration,...) ;
- invoquer un être ou une chose (un arbre,...) qu'on a humblement envie de remercier - qui ouvre notre coeur ou qui fait sens pour nous ; une chose qui nous montre la splendeur du monde ; visualisation yeux fermés ou simple sensation / impression de présence ;
- sentir le lien qui nous unit à lui / elle - lien de tendresse, amour, reconnaissance, appréciation,... ; on n'en est pas séparé ! ;
- louer la vie, quelqu'un, quelque chose ; gratitude et remerciements => des phrases peuvent se formuler, à haute voix ou mentalement... ;
- sentir l'exil, le manque, le désir ardent, l'ardeur qui met en mouvement ; éprouver qu'on ait envie d'être encore plus proche => manque qui ne fait pas souffrir, mais qui comble, qui est aussi une plénitude ; cf. Rumi dans le soufisme, ou la Dame chez les troubadours ;
- voir comment cela nous éveille (clarification de notre esprit), nous nourrit, nous libère, nous met en mouvement (souffle de vie) ou nous apaise ;
- l'image peut bouger / s'animer => laisser l'imaginaire en liberté ; si quelque chose vient, laisser la chose se faire ;
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