Art & Méditation
La méditation, la création : un même geste de Vie !
Le geste semble le même.
Méditer et créer participent d'une même émergence de l'expérience et d'un même raffinement de la perception.
L'attention devient vecteur de surgissements ; la synchronisation, possibilité d'une expansion.
L'ouverture est partout ! La présence simplifie tout...
Dans quelle mesure, par le passé, ma pratique méditative a-t-elle mobilisé, et même éclairci, ma pratique créatrice ? En dénouant et en amplifiant « le corps ».
Dans quelle mesure, aujourd'hui, ma pratique créatrice nourrit-elle, ou même illumine-t-elle, ma pratique méditative ? En ouvrant et en intensifiant « le tantra ».
Dans ces deux pratiques, que sans fin je superpose, c'est l'ÊTRE qui se déploie.
Se déployer ici implique de se synchroniser de corps et d'esprit, afin de tout laisser surgir, infuser et imprimer - sans tout à fait rien saisir, vouloir ou commenter.
Si, dans la méditation, la présence corporelle se fait la dissolutrice subtile du « procureur intérieur » (que j’appelle volontiers le « crispateur intérieur »), c'est bien aussi par elle que se déclenche l'énergie créatrice, osmotique avec l'œuvre en process. Entre méditation et création, il y a communes incarnation et perception. Instantanéité et prolongement de feu ! Mélange de détente « au-dedans » et de tension « vers ». De retenue réceptrice et de désir pur.
1/ Le renversement de la polarité habituelle du corps et de l’esprit, afin d’ouvrir une voie du milieu que j’appellerai ici « le Leib* » - ou « corps vivant / vécu ».
Ici, le principe consiste en un retournement psycho-sensoriel qui, dans le filtrage du réel, ne donne plus la primauté à l'esprit, mais au « corps vécu ». La qualité énergétique de cette pratique, à la fois méditative et artistique, permet à notre « faire-monde » d’advenir d’une manière « imaginale ». Imaginale, au sens où, dans ce cas, les images produites se trouvent énergétiquement chargées, et donc à proprement parler « créatrices ».
- l'abaissement du centre de gravité du corps, afin d’en transférer le ressenti de « lui » à « lui » ;
- l'appréhension du corps telle une membrane à fleur de monde environnant – « énactant » celui-ci et, de ce fait, le re-créant.
L’éthique corporelle devient alors primordiale : elle en passe par la posture – posée, ancrée, immobilisée, détendue, (dé)centralisée. Il s’agit d’un retour à la physicalité de la terre et à l’originarité de la chair – comme les connaissent les bébés. A savoir, dans l’évidence des flux « ascendants », du corps à l’esprit – autrement dit, des émanations de l’inconscient physiologique, activant l’élan psycho-moteur et, par là-même, émouvant le geste créateur.
2/ L’assourdissement progressif de la voix, initialement ardente, du « crispateur intérieur » pour un « laisser-venir » à la présence, éthique et vitale.
Dès lors que l’on médite ou que l’on crée, on ne peut en effet plus « se regarder » – au risque de s'emmêler et de se perdre… Exit les troubles et les nœuds ! Exit la panique de « ne pas y arriver » ou le blocage de la réceptivité ! C’est bien « l’être dans le corps » qui, petit à petit, résorbe la pollution, émotionnelle et/ou mentale, avant tout mal placée ! Dans la méditation comme dans la création, il n'y a en fait pas d'espace pour l'échec car, à part peut-être la crispation bouclée sur elle-même, rien n'est vraiment « impasse » et tout, de l’intérieur, se travaille.
Coller à « ce qui est », comme c'est ; le décrire (via la pratique « les deux embrassements » ou via celle, psychanalytique, de « la forme-émotion »), et le laisser de lui-même évoluer, se retourner et se transformer. C'est une aptitude, autant qu'un entraînement. La Vie naturellement se tourne vers la lumière. … La laisser être et, soi-même, entrer dans sa confiance. Car le geste méditatif, autant que celui créateur, est un geste de Vie !… adapté, conforme et favorable à la Vie.
En réponse aux douleurs profondes – celles au contact de l'inconscient –, se poser donc les questions profondes : celles propices à la Vie. Questions, toujours, qui induisent de ne pas étreindre, étouffer, oppresser ou éteindre... le Nouveau !... Questions, toujours, qui tendent à ouvrir le champ des possibles et à accueillir la prochaine opportunité, le prochain rebond, pour l'éventualité d'un accord de fond encore plus grand et fécond. L'histoire... non pas tout à fait d'une possession divine, mais bien celle d'un laisser-venir – présent et constant. Tantrique et heureux.
Anika Mi, texte finalisé le 22 février 2024
"Etre Humain.e" : mur HUMA + coussins et dispositif audio Cliquer sur l'image. |
Exposition "Art & Méditation" (2022)
Du 19 nov. ‘22 au 12 janv. ‘23, à l’Espace Topographie de l’Art (Paris 3e)
Commissariat : Pascal Pique, Le Musée de l'Invisible (Hautes Pyrénées)
"ÊTRE HUMAIN.E"
Installation picturale et sonore - pour "deux méditants"
( mandala visuel et poésie onirique, à vivre sur le coussin )
MUR : "HUMA - L'homme, l’humain"
Le Temps, La Vie, L’Amour, Le Nouveau, L’Evolution, La Vérité (2019 - 2020)
6 acryliques sur carton entoilé + 2 miroirs (50*50 cm chaque)
Dimensions totales : Larg. : 190 cm x Haut. : 200 cm
ASSISE SONORE :
Lecture chuchotée du recueil poétique “Être humain.e” (Anika Mi, 2022)
Sur deux ambiances musicales du compositeur Michel Redolfi
Double écoute au casque audio ; sur deux coussins de méditation
EXTRAIT SONORE d'une nappe mentale de la matrice bleue : “J'aime” (36/40)
Écrit à l'été 2022, puis lu et enregistré dans la foulée, le recueil de poésies oniriques “ÊTRE HUMAIN.E” a rejoint et intégré l'exposition “ART & MÉDITATION” à l'automne.
Dans un rapport-miroir à la structure picturale “HUMA” — inspirée par celle, philosophique, de “L'ARBRE RELATIONNEL” —, cette lecture chuchotée invite à une intériorité mutante… passant d'une confusion latente, privée de repères connus, à une perception de “ce qui est” totalement redimensionnée.
"Etre Humain.e" : mur HUMA + coussins et dispositif audio Cliquer sur l'image. |
Extrait du catalogue de l'exposition
Préalablement déchaussé.e, s'approcher, repérer... et, face à l'œuvre, sur l'un des deux coussins noirs, confortablement s'installer ; enfiler un casque audio — le rouge ou le bleu — et, silencieusement, regarder, s'imprégner.
Un temps, s'approprier l'environnement — comme partie intégrante de la relation entre soi et “ce que l'on ne connaît pas”.
Le mur pictural — celui de “l'ARBRE”, avec ses six sphères formant un mandala — est lumineux, et comme pieux ; rapidement, à l'oreille, le chuchotement, alerte et tumultueux, devient “voix sacrée”.
Alors, une question en moi émerge : Où donc dois-je poser mon regard ?... Au sol, face à moi, j'aperçois une marque colorée — rouge ou bleue... Mais, légèrement de biais, reflété.e dans le miroir, “je suis là”... Je me devine ou je me sens. Que faire “avec moi-même”, là, comme cela ?
Et j'écoute... ce que, de premier abord, je ne comprends pas.
A côté de moi, un autre méditant — que, pareillement, depuis son propre miroir, ainsi que de profil, je sens… et je vois. Nos présences, dissociées par le son, demeurent ici néanmoins à la fois virtuellement parallèles et nécessairement entrecroisées ; toutes deux enchâssées dans le bâti de “l'ARBRE” — via le jeu des deux miroirs.
“L'ARBRE” : des sphères polarisées, dont la disposition suggère la RELATION universelle entre le Yin (rouge réceptif) et le Yang (bleu créateur). Au centre du mandala des sphères : en bas - la non-linéarité, le chaos, l'opportunité ; en haut - la convergence, la synchronie, la mutation.
Au centre de ma perception donc : “moi-même” — latéralisé dans le Yin rouge (la Vie, l'Égo, le Profond), ou bien dans le Yang bleu (le Nouveau, l'Altérité, le Clair). “Moi-même”, structurellement couplé.e à mon alter-TAO : en la personne, essentielle, de l'autre méditant… lui-même flottant, dans le périmètre de ma proximité la plus rapprochée.
Alors, au sol, je fixe le marquage qui m'est destiné — le rouge ou le bleu. Et, peu à peu, ma perception devient floue et périphérique : je ressens... l'être dedans et autour.
A nouveau, j'écoute... ce qui, depuis un moment, doucement me stresse ou me berce. Dans ma tête, est-ce le son de ma propre voix ?... entrecoupée de celle de “l'Ange en moi” ?
Progressivement, la détente de mon corps, strictement érigé depuis la couronne, le rend à moi plus “présent” — plus sourd et plus dense, plus vaste et plus évident. Mes muscles relâchés, mon centre de gravité définitivement dans mon bassin s'abaisse.
Cette fois attentive à la moindre de mes sensations, toujours j'écoute la voix... étouffée, et pourtant scintillante, sur le flow musical lui-même fluide et constant, dans la scansion de rêves éveillés à demi-dévoilés.
Une nébuleuse m'apparaît. Afin d'éprouver mon corps encore plus à fond, je respire… “en présence” à mon souffle, sans du tout l'affecter. Mon rythme est profond et léger. Je ne ferme pas les yeux ; je fixe le point, toujours trouble, au loin.
Alors, je me sens appartenir à quelque chose comme “venu du dedans”. Dans l'entre deux, entre “moi-même” — dans l'écoute synchronisée du corps et de l'esprit —, et la scène à laquelle désormais j'appartiens. Le lien signifiant est fort ; l'émergence sensitive, vive.
Je ne suis plus que “là” — dans l'instant surgissant... au fil du bavardage mental de la voix — comme si celle-ci émanait “du coeur de moi”, quand bien même je ne l'écoute pas.
Je me fiche la paix. Et je deviens “humain.e”...
Oui, je suis en relative paix... au fil de cette vacuité “pleine” — SUNYATA* — qui fait de moi un être “présent”, sans cesse mouvant, apparaissant et réfléchissant.
Alors, peut-être, au terme encore d'un petit moment, je me transforme, me sensibilise et me dilate. Toujours irrémédiablement “ancré.e”, je deviens presque “subtil.e” ; et les mots, pour moi précédemment inintelligibles, soudain, prennent sens... Tout leur sens.
Alors, peut-être, imperceptiblement et “sans rien faire”, je quitte la conscience de veille et capte la magie de tout un univers — juste “là”, dans l'étranglement de l'instant que je perçois...
Et que, simplement, dans l'ouverture, je reçois... comme un TANTRA.
Au creux radical de l'ORDINAIRE.
Anika Mi, le 10 nov. 22
* « La pensée d’une ontologie d’un nouveau genre, véritablement non-duelle, procède de l’importance conférée à la relation dynamique entre le sujet et le monde, lesquels ne sont pas deux pôles constitués de façon substantielle, mais sont parties prenantes d’un procès constitutif caractérisé par sa fluidité et son impermanence. (…) A cet égard, sunyata (vacuité) offre le moyen de s’orienter dans une autre direction, là où prévaut seulement la dynamique de la co-constitution du sujet et du monde. (…) [ Là où ] la non-dualité [ se ] manifeste de façon immanente dans l’expérience. »
~ « Pour une phénoménologie de la sunyata I » - Francisco Varela - Le Cercle Créateur (écrits 1976 – 2001)
Montage-vidéo de l'exposition dans son ensemble.
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