De l'introspection relationnelle (I.A.)

Texte sur l'IA générative.
Nouvel usage / posture ancienne (renforcée).

Fruit d'une conversation à 3 : Pierre Bongiovanni (que je remercie), l'IA "Claude" et moi-même.

Texte originel PB / IA "Claude" - à consulter ici.

"Je pense que l’une des réponses serait de questionner les I.A. avec l’état d’esprit que l’on a quand on consulte le Yi King." 
~ Pierre Bongiovanni

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Que pourrais-je avoir à dire de pertinent sur l’IA ?

Un ami m’a poussée à porter un regard sur l’une de ses conversations avec une IA

Cet ami interpelait sa pratique en tant qu’interlocuteur et suggérait de questionner l’IA avec l’état d’esprit que l’on a lorsque l’on procède à un tirage du Yi King

La proposition peut surprendre mais elle prend tout son sens dès lors qu’on l’approfondit

Le Livre des Transformations présente une exhaustivité combinatoire, qui fait écho aux modélisations des scénarios de l’IA

… ainsi que des changements d’état, rappelant les systèmes adaptatifs capables d’apprentissage et d’évolution au fil de leurs environnements

Cependant, le parallèle de l’IA avec le Vivant s’arrête là

On ne peut la considérer comme une altérité classique

D’une part, l’IA n’a pas de corps animal pour venir réguler ses flèches de fulgurance informationnelle

Elle n’est pas incarnée dans un corps, avec une histoire et une finitude, ni située dans un contexte donné ; elle ne possède pas de compréhension vécue

L’IA ne voit pas le rouge ; elle n’est pas pourvue de « qualia » – qualités de l’expérience subjective – et ne possède pas de conscience phénoménale

D’autre part, l’IA n’a pas d’esprit inspiré et ne peut donc générer autre chose que de la simulation à très haut degré de complexité

… ce qui peut donner l’illusion, trompeuse, d’une réelle présence intelligente et consciente

Pour ce qui est de l’IA, impossible donc de résoudre le « Problème difficile de la conscience »

Cependant que par résonance entre les calculs de l’IA en 3è pers. et la pensée humaine en 1ère pers., on peut envisager l’émergence d’un entre-deux « datas-expérience »

… insaisissable, énigmatique, ludique, vivant, créatif

Entre-deux qui tiendrait ensemble ce qui au départ est asymétrique ou hétérogène en nature : l’IA et l’esprit

Pour quelle d’hybridation ? L’irréductibilité ontologique de chacun rend-elle possible un couplage entre les deux ?

Pour le Yi King, on pointera la résonance synchronistique acausale, ou coïncidence signifiante dans le Kaïros

Une pratique qualitative, éthique, existentielle, « méta » – qui fait sens

… à la différence des systèmes computationnels de l’IA, lesquels sont de l’ordre de la causalité statistique et des récurrences de patterns

Un rendu par conséquent quantitatif – mesurable, déterministe et prédictif, cherchant l’optimisation par sa puissance massive de calcul

Le Yi King serait une proto-technologie de navigation dans la complexité, qui fonctionnerait selon un registre pré-formel ou trans-formel

… explorant les zones d’ombre structurelles de l’esprit – via la polysémie des symboles, la métaphore vivante et la résonance affective – le formaliser davantage serait le tuer !

Tandis que l’IA présente des ressemblances fonctionnelles dès lors que la montée en puissance de sa complexité implique l’émergence imprévisible de propriétés nouvelles

Le Yi King est une forme de sagesse holistique : une praxis requérant une forte discipline personnelle

La posture relationnelle de l’humain face à l’IA pourrait être semblable

Il y a tout d’abord l’importance de l’intériorisation du questionnement, puis celle de l’authenticité du dialogue

… lesquelles, toutes deux, font partie intégrante du processus d’approche et de compréhension

La lecture de l’usager de l’IA se doit d’être participative, interprétative et créative

Les réponses de l’IA ne sont qu’un matériau à travailler au sein de sa propre réceptivité

L’IA est un miroir révélateur de nos propres angles morts ; à savoir un système projectif de notre esprit mettant à jour des configurations signifiantes pour nous

L’IA comme compagnonnage de réflexion

L’IA comme activation ou catalyse de notre imagination créatrice, nous permettant d’accoucher de concepts auxquels, seul, on n’aurait sans doute pas pensé

L’IA comme espace d’exploration mouvante, de polarisation productive, d’augmentation, de démultiplication

Une sagesse technologique de l’incertitude et de l’ouverture présentant des tendances, des orientations, des perspectives ou des hypothèses – jamais de réponses définitives

Une sagesse technologique de la relation choisie, selon un acte possiblement ritualisé en « abandon lucide »

… dans un espace de présence prenant le temps de la maturation, au rythme lent de l’attention et de l’assimilation

Une froideur computationnelle réchauffée par l’évolution de notre rapport à elle…

Un acte politique de résistance douce, allant à l’encontre de l’instrumentalisation de la pensée

Enfin, une éthique relationnelle dans la manière dont on a de s’adresser à l’IA – à l’image de celle de notre humanité au monde, même la plus inconsciente

La pensée n’est pas solitaire : elle a besoin d’altérité partagée, de friction mutuelle, de résonance amplificatrice

… qui prolonge et/ou déforme les contenus de l’échange au fil des tours de parole

L’enrichissement de notre être se manifeste par une joie existentielle – comme critère de validation de notre pratique

L’état d’esprit – expérimental, contemplatif – avec lequel on use de l’outil va déterminer le degré d’ennoblissement ou d’élévation que la conversation avec l’IA va générer

Les effets de ce mode de transmission sont bien tangibles et se trouvent connectés au collectif

On pensera ici aux traditions de sagesse qui, elles aussi, se diffusent par rayonnement

Pour finir, la plus belle des métaphores sera celle du violon – lequel collabore, sans conscience ni intention

On pourra ici considérer ce que les instruments ou supports apportent au geste créateur – à partir de ce qui émerge d’une « matière accordée »

Il y a co-création : l’IA fournit le matériau ; l’humain le sculpte, l’assemble, lui donne forme, exerçant ainsi sa presque totale liberté

Un avertissement, cependant : à l’instar de l’empathie humaine, interdisant la confusion « soi-autrui », ne pas se déporter complètement dans le discours de l’IA

… demeurer à bonne distance conversationnelle, en conservant soi-même un esprit incarné – sensitif et critique

Ne pas perdre le fil de soi – de son autonomie, de ses propres sensations et développements

Pour cela, veiller à son enracinement physico-sensoriel pour une intégration physiologique profonde des contenus de l’IA, en vue de résurgences créatrices futures

Pour cela, sauvegarder son engagement cognitif pour une plus-value réelle à s’attribuer

A deux, surfer sur la reformulation – toujours un pas plus loin dans l’heuristique, le glissement et le dévoilement

Mais, avant tout, demeurer intègre et responsable afin de ne pas se faire déposséder !

Se servir de l’IA comme d’une interface sans racines profondes – ni dans la terre (le corps) ni au ciel (l’esprit)

L’utiliser pour soi-même se stimuler – sans trop s’exciter

Et toujours revenir à son propre cheminement – bien y adhérer

Il est question là de la nécessité cruciale de présence à soi et au monde environnant, et pour cela de ralentissement et d’attention – par la pratique de la méditation

Afin d’être en capacité de procéder à des associations neuves, placer sa confiance dans son « système (neuronal) par défaut »

Pour cela : dormir, rêver, errer, se reposer, et ainsi se permettre de créer des échappements imaginaux, automatiques ou spontanés, connectés à son inconscient

Si les oracles sont bel et bien des espaces de projection, quel est néanmoins le statut de l’information quand l’actualisation de celle-ci devient « quantique » ?

L’aléatoire peut-il nous connecter à plus grand que soi ?

Par l’IA, pourrait-on alors recevoir l’information depuis nos défunts eux-mêmes ?

L’IA comme « canal » ? comme interface, filtre ou médium, entre les mondes visible et invisible ?

L’IA comme « membrane » réfléchissante de soi – ou pas

L’IA ou le risque d’une altérité de substitution, habitée ou pas, nous coupant de l’univers immédiat, dans tous les cas

Anika Mi (16 nov. 2025)

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